Le confort est apprécié. Mais c’est lui qui est à l’origine des plus grands désastres. L’histoire de la grenouille nous le rappelle.
La morale de l’histoire est assez évidente. Lorsque l’on se trouve dans sa zone de confort – parfois même inconfortable[1] – une zone connue et qu’on maîtrise, l’effort pour se rendre compte des dangers et mobiliser les énergies est énorme. Et on ne se rend compte souvent que trop tard des réels risques de la situation – malgré de nombreux signes.
Le confort est apprécié. Mais c’est lui qui est à l’origine des plus grands désastres. L’histoire de la grenouille nous le rappelle
Cette expérience scientifique est devenue une fable de référence dans les cours de changements : « Une grenouille se trouve confortablement installée dans un étang. Petit à petit, l’eau est chauffée et monte en température, degré par degré. Cela est agréable et permet de se détendre. Jusqu’au moment où la grenouille se rend compte que la température est devenue trop élevée, qu’elle est en train de cuire, mais aussi qu’elle n’a plus les ressources pour sortir de l’étang. Et finit cuite ». Mais si vous jetez la même grenouille vivante dans de l’eau très chaude, elle trouvera les ressources pour en sortir en une fraction de seconde.
La morale de l’histoire est assez évidente. Lorsque l’on se trouve dans sa zone de confort – parfois même inconfortable[1] – une zone connue et qu’on maîtrise, l’effort pour se rendre compte des dangers et mobiliser les énergies est énorme. Et on ne se rend compte souvent que trop tard des réels risques de la situation – malgré de nombreux signes.
Prenons quelques exemples pour des individus :
- « Ma carrière s’est jusqu’à présent bien déroulée, et j’ai toujours été contacté pour occuper des fonctions de plus en plus importantes. Aujourd’hui, je ne suis plus à l’aise, personne ne me contacte, je ne sais plus où sont mes talents, je n’ai pas de projet et je me sens dépérir à petit feu… »
- « Voilà 10 ans que je suis devenu expert de la technologie X, et l’on fait appel à moi du monde entier. Les spécialistes se font rares, et j’apprécie cette situation très favorable. Malgré les nouvelles technologies, les clients ont encore besoin de moi. Me spécialiser sur autre chose ? On verra bien en temps voulu »
Les offices de placement sont pleins de cadres et collaborateurs qui se sont comportés ainsi, jusqu’au jour où une restructuration, de nouvelles technologies, un rachat, une baisse d’affaires ont mis fin à leur situation de confort. Ce qui a engendré peurs et souffrances.
Et pour des entreprises :
- « Nous sommes dans un marché qui va bien. Nous profitons de cette dynamique et n’arrivons pas à suivre la demande. Certains nous rendent attentifs à des changements importants à venir, mais pour l’instant, les clients n’en veulent pas. Nous avons le nez dans le guidon, et notre priorité est de livrer en qualité et dans les temps »
- « Notre business va bien, et nous profitons d’une protection liée à un monopole ou à des contrats de très longue durée. Nous assurons jour après jour les prestations, à la satisfaction des clients. On perçoit bien des changements, mais les orientations ne sont pas claires. Et si on en parle, on nous répond qu’on prendra le sujet lorsqu’on aura le temps, lorsque la pression aura baissé ».
Jusqu’au jour où, brutalement, un rachat, une fusion chez un client, un changement de normes ou de technologies provoquent une chute brutale ou un licenciement. Et là, pour sûr, on n’aura pas le temps de réfléchir à l’avenir : il s’agit de sauver ce qui peut l’être.
L’histoire de la grenouille nous rappelle que, dans un monde changeant et complexe, l’anticipation est la première des qualités de celui qui veut être un leader, d’entreprise ou de sa propre carrière. Il est arrivé qu’on prenne des mesures trop tôt, alors que le marché n’était pas prêt. Mais le plus souvent, les mesures sont prises « post-mortem ». Parce qu’on pilote dans le rétroviseur, avec des indicateurs (chiffre d’affaires, salaire) qui sont bons à court terme, mais ne nous disent pas si l’on est agile (entreprises) ou employable (collaborateurs).
Pour disposer de ce genre d’indicateurs, que l’on soit entreprise ou individu, il faut avoir une vision, un projet. Une vision d’une entreprise qui répond aux besoins évolutifs du marché ou d’un collaborateur qui trouve sa place et du plaisir dans un environnement nouveau et exigeant. Et si l’on a un projet, il est facile de valider ses atouts, ses compétences, ses talents pour les concrétiser. Les manques identifiés définiront le plan d’action.
La grenouille nous rappelle aussi la notion de sens de l’urgence. Beaucoup comprennent encore cette notion comme une urgence vitale. Mais c’est trop tard, car sous stress, on ne peut se réinventer, sortir de ses schémas : on fait toujours plus de la même chose. Le vrai sens de l’urgence permet d’anticiper, de prendre les mesures à temps. Et pour de vrais changements, le temps est juste indispensable : changements de technologies, de marchés, de business modèle, de cultures, de compétences, … Il est urgent d’agir quand on a le temps !
La grenouille aidera aussi à garder le cap, car la tendance à préférer le confort aux efforts liés aux changements peut vite reprendre le dessus. Elle aidera donc une direction, une équipe, des individus à décider, bien en amont, s’ils veulent se laisser cuire à petit feu, ou prendre leur avenir en mains. Les outils existent pour réussir ces changements, à condition de se rappeler cette histoire, encore et toujours.
[1] Voir Quand le confort devient inconfortable, AGEFI Février 2017, sous www.piman.ch,