Daniel Held

On parle beaucoup de développement. Avec un réflexe quasi généralisé : se focaliser sur les points faibles. C’est pourtant la manière la plus sûre d’échouer. Pourquoi ?

Article AGEFI – Mars 2019 – Daniel Held

Réussir le Développement des individus

Les plans de développements résultent généralement des entretiens annuels d’évaluation, au cours desquels chef et collaborateur discutent des performances réalisées et des échecs, des forces et des limites de l’individu. Très naturellement, ces entretiens comprennent une phase positive, et sont très vite suivis par les points faibles, renommés souvent points de progrès ou à améliorer.

On en vient dont toujours très rapidement à se focaliser sur les actions de formation et de développement pour compenser les écarts, les insuffisances, les points faibles. Lorsqu’il s’agit de connaissances ou de gestes techniques, cela va fonctionner. Lorsqu’il s’agit des compétences ou de comportements, l’impact des actions proposées se révèle généralement plus limité, voire contreproductif. Pourquoi ?

Se développer signifie augmenter son impact, sa capacité à gérer des situations particulières, à créer plus de valeur. Cela signifie donc aussi monter en puissance. Et l’on sait désormais qu’une montée en puissance n’est possible que si l’on construit sur un potentiel, sur des motivations et sur des talents préexistants. Ceci assure le succès, parce que l’individu se trouve sur un terrain qui le motive, qu’il obtiendra vite des résultats encourageants qui vont l’inscrire dans une dynamique positive.

A l’inverse, demander à quelqu’un de se développer là où il n’a ni motivation ni talents conduit généralement à l’effet inverse : l’individu perd de sa puissance, de son engagement, de son impact. Pourquoi ? Parce que l’énergie va être utilisée pour agir sur des axes où il n’y a que peu de motivation et de talent, ce qui s’apparente à du gaspillage car la mission est quasi impossible. L’énergie ne sera donc plus disponible pour capitaliser sur les points forts. C’est même la manière la plus sûre de générer de la faible performance et de la démotivation, avec une dynamique d’énergie négative.

Une seule situation mérite une action sur les points faibles : l’existence de facteurs de blocages (p.ex. des peurs ou une surmaîtrise émotionnelles) ou de schémas comportementaux limitants. Si la personne est prête à aborder cette thématique, il est possible, moyennant des actions de développement spécifiques, de l’aider à se libérer de ces blocages et de casser son schéma limitant[1].

Pour réussir un développement, il s’agit donc en priorité de capitaliser sur les forces, d’assurer leur utilisation optimale et de construire sur les talents et les motivations, en lien avec un projet professionnel qui fait sens pour toutes les parties. Au niveau des points dits faibles, l’action se limitera à éviter les difficultés et les conséquences pour les autres (p.ex. manque de documentation ou d’information), en prenant des actions simples ou en modifiant le périmètre du rôle (donc en transférant la responsabilité à un tiers).

La deuxième priorité consistera à se focaliser sur les excès des forces. C’est en effet là que l’essentiel se passe. On dérange parce qu’on est trop dominant, qu’on parle trop, qu’on est trop perfectionniste ou exigeant, qu’on est trop analytique ou créatif, pour ne citer que quelques exemples. Or, les excès peuvent tout détruire, et sont la cause première des ruptures, beaucoup plus que l’incompétence. C’est donc sur la canalisation des talents, pour éviter les excès, qu’il s’agit de focaliser les efforts de développement. P.ex., au lieu d’adresser un manque d’écoute, on visera un meilleur impact de la communication : comment mieux passer son message, en tenant compte de ce qui intéresse l’autre, plutôt que de lui demander de parler moins. On arrivera ainsi à mobiliser facilement les ressources de la personne, à développer la prise de conscience de ce qui peut limiter son impact, à aider à trouver des pistes pour monter en puissance.

Evident ? En apparence oui. Mais la réalité que nous observons en est souvent bien éloignée. Ce principe est pourtant simple et suffit pour transformer la manière de dynamiser le potentiel humain de nos entreprises.

Capitaliser sur les talents, veiller à dépasser les excès liés à ses derniers et éviter l’exposition aux points faibles constituent donc les clés d’un développement réussi. Et rejoignent la philosophie de base d’une dynamisation du capital humain, qu’on rencontre beaucoup trop rarement dans nos entreprises : la mise en puissance des acteurs.

[1] Ces actions ne peuvent se faire par le mental. Elles impliquent de travailler en état de conscience modifié et en mode expérientiel (p.ex. hypnocoaching, équicoaching, …).

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