Daniel Held

Les tests de personnalité sont partout. Avec quelle validité, quelle pertinence et quel professionnalisme ?

Les tests de personnalité sont présent partout. Il en existe pour presque tous les usages, du QI au QE en passant par la mesure du potentiel, des compétences, du stress, … Entre le test qui paraît dans le numéro d’été des magazines à usage du vacancier à celui qui identifie le potentiel et va décider de son éventuelle nomination à un poste stratégique, on trouve toute une gamme dans laquelle il est très difficile de se retrouver si l’on ne dispose pas des clés associées.

Le test de personnalité en réalité est une véritable science, puisqu’il s’agit d’interroger un individu, de manière fiable et pertinente, pour prédire sa performance future. Et en détectant évidemment les éventuels tricheurs.

La plupart des outils connus dans le marché n’ont pas cette qualité. Ils décrivent notamment, dans la lignée des travaux de Jung et du MBTI (1943), les orientations de la personnalité à partir de ses préférences et motivations. Ceux-ci sont très intéressants pour la connaissance de soi, mais ne mesurent pas le potentiel, les compétences ni la performance future. Il servent avant tout à comprendre son fonctionnement et celui des autres, pour mieux collaborer. L’utilisation de ces outils pour la sélection est fortement contre-indiquée, puisqu’ils n’ont pas les qualités psychométriques pour cela.

En effet, lorsque l’on construit des outils destinés à la sélection, il s’agit de vérifier que l’on mesure bien ce qui doit être mesuré (des compétences, pas des traits de personnalité), que les résultats obtenus sont fiables (on peut leur accorder confiance) et sont valides – ils permettent de prédire le succès professionnel futur.

Les premiers tests mesurant des traits de personnalité sont apparus dans l’après-guerre, capitalisant sur les énormes efforts faits pour trouver des stratégies et des personnes capables d’enrayer la dérive dangereuse dans laquelle le monde était engagé. Cette période a vu l’émergence de nombreuses connaissances et méthodes, dont nous profitons encore aujourd’hui. En effet, plusieurs outils encore très utilisés aujourd’hui sont basés sur les connaissances et méthodes de cette époque (ex. 16PF, MBTI),  où les techniques statistiques et les méthodes scientifiques modernes de validation étaient évidemment absentes.

Durant le reste du 20ème siècle, les progrès réels furent plutôt limités, sans sauts quantiques comme on en a vus dans d’autres disciplines, malgré le foisonnement d’outils proposés. Il y a certes eu le passage de la mesure de traits de personnalité vers celle d’indicateurs plus proches du monde professionnel, dès les années 80, répondant à un besoin d’évaluation des compétences et potentiels pour faire face à un monde plus incertain et complexe. Ce passage a permis d’ouvrir l’utilisation des tests aux professionnels RH, sans imposer de formation psychologique. Il y a aussi eu l’informatisation des questionnaires et de leur évaluation, pour rendre les processus plus simples et efficients, mais sans concevoir les tests de manière différente. Il y a enfin eu beaucoup d’efforts réalisés par les consultants pour introduire certains outils dans les cursus de formation au leadership et à la connaissance de soi. Les efforts en matière de communication et de marketing ont laissé entendre – à tort – que la fiabilité et la validité des outils était à la hauteur des usages qui en étaient faits.  Ces dérives, réalisées plus par des experts du marketing que de la psychométrie, ont conduit à oublier la science pour valoriser notamment le taux de reconnaissance par les candidats et recruteurs. En utilisant certaines pratiques de communication bien connues – notamment dans la rédaction des rapports – il est assez facile d’obtenir du soutien pour des outils qui en réalité ne le méritent pas. Il s’agit notamment d’enfoncer des portes ouvertes, qui ont toujours une certaine pertinence, pour susciter l’adhésion. Les rapports écrits de nombreux tests font clairement partie de ces catégories, puisque vous pouvez prendre différents rapports de différentes personnes et vous y reconnaître en bonne partie. Cette caractéristique constitue l’un des risques majeurs du domaine.

Et ce risque, bien connu, est largement utilisé par certains éditeurs pour asseoir des succès commerciaux et encourager des utilisations très discutables de tests pour des missions pour lesquels ils n’ont aucune qualité (p.ex. l’utilisation d’outils de mesure des socio-styles pour du recrutement, alors qu’ils ne mesurent que des préférences, en aucun cas des compétences ou un potentiel).

Elle a aussi conduit à beaucoup de dogmatisme, à des habitudes bien ancrées et à enfermer la réflexion et les méthodes d’évaluation et d’accompagnement dans des cases dont elles n’arrivent plus à sortir : mettre les individus dans des catégories de comportement, et considérer que tous les individus de ces catégories sont comparables. Les choix des outils sont aussi souvent faits sur le confort d’utilisation qu’ils offrent plutôt que sur leurs qualités intrinsèques.

La plupart des discussions sur ce sujet éloignent largement de ce à quoi devrait servir la psychométrie moderne : permettre à des individus de se connaître, de connaître leur potentiel et de devenir acteurs de leur carrière, cherchant à valoriser et à développer les talents qui sont les leurs d’une part ; permettre à des employeurs de faire les meilleurs choix, pour un impact réel au niveau de la performance, de la dynamique des équipes, de la qualité des prestations fournies et de la capacité des individus à faire face à une pression accrue dans leur activité. Ce dernier sujet prend une importance cruciale aujourd’hui vu l’explosion des cas de rupture professionnelle (burn-out et licenciements).

La psychométrie a une place forte à prendre. Mais, à part les énormes recherches lancées par le Prof. P. Saville en 2004, qui ont abouti notamment à l’apparition de Wave[1], peu d’investissements ont été consentis dans ce sens. Il n’est plus possible, lorsqu’il s’agit de modéliser et d’appréhender la complexité de l’être humain, de rester dans des approches unidimensionnelles comme c’est le cas de la plupart des outils. C’est en intégrant toutes les connaissances acquises à ce jour, en psychologie, en neurosciences mais aussi en santé et en développement organisationnel, en sortant des méthodes et schémas très limitants encore très répandus et en intégrant les algorithmes, l’informatique et l’intelligence artificielle que nous arriverons à mieux comprendre et cerner la puissance du facteur humain, pour lui donner toute sa place dans le monde du 4.0[2]. Les risques associés peuvent aisément être maîtrisé si l’on veille à ce que les outils psychométriques atteignent 3 objectifs : amener de la valeur à l’évalué, à l’évaluateur et à l’organisation concernée. Et ceci en toute transparence.

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[1] www.savilleassessment.com. Wave apporte un changement quantique pour la valorisation et le développement du capital humain – avec notamment une validité démontrée qui permet de réduire les risques de mauvaises décisions d’un facteur 4 à 5 – voir aussi sous www.piman.ch

[2] Digitalisation et robotisation de notre société et activité économique