Daniel Held

Ce qui fait avancer les gens, c’est soit l’espérance (la confiance dans un avenir meilleur, la vision, le projet) ou la peur. Ne craignez pas, disait Jean-Paul II à ses fidèles. En Afrique, l’on dit: « c’est en saison sèche qu’il faut devenir l’ami du piroguier ».

Deux sagesses qui nous guident: avoir un projet qui donne envie; se donner les moyens de préparer les transformations et temps difficiles lorsque tout va bien. Dans l’article ci-joint, Daniel Held jette un regard sur les peurs qui, au plus haut niveau, bloquent tant de changement. Et ces peurs sont bien plus difficiles à traiter que celles des collaborateurs, auxquelles on attribue le plus souvent la résistance. Là, on ne résiste pas: on ne met simplement pas en oeuvre. C’est simple, mais dangereux. Les résultats sont là, mais les obstacles et risques sont bien présents. N’est-ce pas le moment d’entreprendre les transformations qui rendront nos organisations vraiment agiles et notre leadership vraiment puissant?

 

Le changement est au cœur de tout discours managérial. Mais ce discours résiste-t-il à la nécessité du changement de posture managériale associé ? Le discours managérial tient de plus en plus en 4 points, et ceci dans tous les secteurs d’activité, public et parapublic compris : nous devons, dans un monde complexe, évolutif et global :

  1. Améliorer notre performance,
  2. Stimuler notre capacité à innover
  3. Développer notre agilité
  4. Réussir la transformation digitale.

Concrètement, si l’on veut atteindre ces quatre objectifs :

  • Les prestations et produits sont repensés pour intégrer plus de digital, plus de technologie, plus de durabilité, avec souvent un business model repensé
  • L’organisation évolue, pour devenir simple, efficace, durable, responsabilisante, vraiment orientée clients et digitale dans son fonctionnement
  • Les collaborateurs s’engagent pleinement pour réussir les défis de l’organisation, en démontrant motivation, créativité, compétence et agilité, en (re) trouvant du sens au travail
  • Le leadership évolue en profondeur à tous les niveaux, pour passer d’un mode de management des ressources, de la performance et du risque vers la mise en puissance des individus et leur pilotage souvent à distance et dans des structures matricielles.

Ces quatre dimensions réunies signifient un réel changement de paradigme, qu’il n’est pas facile de réussir.

La tentation est évidemment de se faire assister par de grands cabinets de consulting, qui vont mettre en œuvre le changement selon leurs expériences et pratiques, avec comme risque majeur de faire évoluer les structures, les technologies et les processus, pas le leadership et la culture.

L’autre approche consiste à mettre en puissance les équipes[1] pour réussir la transformation, en initiant les changements de l’intérieur, contribuant ainsi d’abord à l’évolution du leadership et de la culture pour ensuite mettre en place des structures, des processus et des technologies innovantes et souhaitées. Cette approche, trop rarement pratiquée, conduit toujours au succès si la Direction parvient à habiter les transformations qu’elle a initiées en termes de leadership.

L’organisation dont nous parlons est une vraie organisation 4.0, pas une organisation technologique, mais une organisation où la technologie permet une réelle valorisation des compétences et la co-création. En mettant en avant le partenariat avec les clients, notamment pour co-construire les produits et prestations de demain, en mettant en avant le partenariat avec les sources d’expertise et de savoir-faire opérationnel, en mettant aussi en avant le partenariat entre le management et les équipes (le vrai leadership est partagé), l’organisation 4.0 réclame de nouveaux modes d’orientation, de stimulation, de responsabilisation et de pilotage des équipes et des organisations. En d’autres termes, la manière de diriger et de contrôler se trouve souvent profondément modifiée. Cela touche donc l’essence même du management et du pouvoir tel qu’il a été pratiqué durant des décennies.

C’est donc lorsqu’il s’agit d’abandonner les pratiques usuelles, pour donner corps et pérennité aux innovations organisationnelles proposées et à des postures de leadership nouvelles, qu’on découvre si la volonté de changement énoncée au départ se concrétise vraiment.

Dans un contexte où l’économie retrouve son dynamisme, où le problème majeur devient le manque de ressources plutôt que l’innovation et la préparation de l’avenir, il est très tentant de garder les structures de direction et les processus décisionnels habituels, pour assurer la performance, plutôt que d’expérimenter des structures, activités et postures nouvelles, qui évidemment impliquent courage et prise de risque.

C’est parce que tout va bien qu’on risque de ne rien changer. Or c’est quand tout va bien qu’on devrait se permettre une démarche de transformation en profondeur.

A court terme, les affaires se développent, la bourse souligne les bonnes performances et les bonus retrouvent leur envol. Mais la pression elle aussi augmente, le sens au travail poursuit sa chute libre, l’innovation est tuée dans l’œuf par les règles et par les exigences opérationnelles du court terme, les cas d’épuisement continuent leur irrésistible progression, avec un désengagement croissant. Autant de facteurs qui rendront la prochaine crise vraiment dangereuse : parce qu’on sera épuisé et que les structures et les Hommes n’auront pas progressé dans leur capacité à se réinventer et à anticiper les problèmes. Finalement, tout va bien, ne changeons rien !

[1] En anglais, Empowering for Change, qui est la signature de notre cabinet – www.piman.ch

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[1] C’est en ces termes que Jean-Paul II présentait le choix du Chrétien (« Entrez dans l’espérance »).

[2] John Kotter, Leading Change, Harvard Business Review, Jan. 2007

[3] Sortir du confort, les leçons de la grenouille, AGEFI Indices Janvier 2018, cf. www.piman.ch – Changement.

[4] L’exemple du réchauffement climatique en est l’illustration parfaite : la catastrophe est en marche, mais ne suffit pas à faire prendre des mesures drastiques pour sauver l’humanité.

[5] D. Held, S’affirmer pour mieux réussir ensemble, AGEFI Juin 2017 – cf. www.piman.ch – Leadership