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Daniel Held bouscule les codes des ressources humaines.

Article de Sophie Marenne

« Rien que pour l’Agefi, il a écrit plus de 170 chroniques en quinze ans de collaboration ».

Daniel Held est considéré comme l’un des piliers du paysage des ressources humaines en Suisse romande. Il est né en 1955 à Neuchâtel, ville où il a grandi, étudié et effectué son doctorat en sciences économiques. Ses parents, des Suisses allemands venant pour l’un de Winterthour et pour l’autre de la vallée du Rhin, s’y étaient établis au début des années cinquante, attirés par le dynamisme économique des activités horlogères de ce canton.

Adolescent, il se rêve en numéro deux d’une boîte quelconque. «Celui qui s’occupe d’un peu de tout», raconte-t-il. Rien de bien défini. Déjà à l’époque, il s’inscrit dans une nébuleuse professionnelle qui ne s’affilie à aucun métier précis. Son tout premier emploi: magasinier à l’âge de quinze ans à la maison Suchard. Un boulot grâce auquel il a pu acquérir une chaîne stéréo qui l’a accompagnée pendant plus de vingt ans.

Durant ses études, il s’intéresse particulièrement au développement régional, notamment aux questions liées au marché de l’emploi face à la crise horlogère qui touche la région dans les années septante. Il est gouverné par le besoin impératif de comprendre comment fonctionnent les choses. «Quelque part, ce que je réalise aujourd’hui dans les entreprises en tant que consultant en management et en ressources humaines est un reflet de cette curiosité pour les écosystèmes économiques, à une plus petite échelle.»

Il s’envole ensuite pour un premier parcours académique en Allemagne, puis aux Etats-Unis, afin de réaliser un post-doctorat à Berkeley et Harvard. «Ce fut une grosse leçon d’humilité», se souvient-il avec humour car, en parcourant la Californie, il réalise que la renommée de la Suisse y est minime. «Tous les repères culturels que j’avais ont été ébranlés.»

Un premier virage vers le monde du business

De retour au pays, il s’installe du côté de Lausanne. Le décor lui convient car il comporte à la fois lac et montagne, deux éléments qui lui sont indispensables pour s’épanouir.

Le milieu académique et le secteur public ne l’enthousiasment pas, lui paraissant trop statiques. Ayant déjà de nombreuses publications à son actif, il postule dans diverses sociétés privées avec son CV tout en longueur. «J’avais 27 ans et je ne savais pas du tout vers quoi me tourner.» Finalement, sous les conseils d’un professeur, il devient formateur de cadres dans une grande banque du pays. «Je ne connaissais ni la banque, ni la formation, ni le management. Mais ils m’ont engagé», s’amuse-t-il. Ce fut sa porte d’entrée dans le monde du business et des ressources humaines.

Il déploie alors ses talents dans le domaine bancaire, puis dans le milieu informatique en tant que directeur des ressources humaines: un poste qui lui plaît car il répond à son besoin d’avoir une vision d’ensemble sur l’écosystème qui l’entoure. C’est là qu’a germé son envie de monter sa propre société.

Une entreprise qui fêtera bientôt ses 20 ans

Après douze ans dans des fonctions dirigeantes, plusieurs expériences entrepreneuriales et un nouveau passage par le secteur bancaire, il fonde PI Management, ou Piman, en 1999. La société qu’il dirige depuis ce jour est basée à Lutry et a pour mission d’accompagner les dirigeants, les équipes et les organisations dans leurs évolutions dans leurs évaluations et leurs objectifs de changement. «Son but est d’amener les cadres à sortir de leur zone de confort et à explorer d’autres pistes de management», indique-t-il.

D’une taille de cinq collaborateurs, Piman déploie des interventions à la fois bienveillante et hautement inconfortable pour les chefs d’entreprise. Le cabinet appuie ainsi 200 à 300 cadres par an – y compris aux plus hauts niveaux. Il a déjà accompagné avec succès la transformation de compagnies comme Romande-Energie, Groupe E, EOS (Alpiq), Lemo, Medtronic, Losinger-Marazzi, Mettler-Toledo, Novae, Raiffeisen ou Vacheron Constantin, mais également de sociétés publiques et parapubliques telles que plusieurs cantons et hôpitaux, et ce, des deux côtés du Röstigraben.

Enseigner, écrire et bouger

Au cours de sa carrière, il a enseigné dans toutes les universités de Suisse romande ainsi que dans toutes les Hautes écoles spécialisées à l’exception de celle de Fribourg.

Par ailleurs, Daniel Held a toujours écrit énormément. Dès la fin des années quatre-vingt, il a voulu partager son approche. Il est l’auteur de plus de 270 articles sur les thèmes des ressources humaines, du leadership et de la gestion du changement, notamment pour HR Today ou l’Agefi. Cet amour pour l’écriture le pousse à s’installer à son bureau environ trois heures par mois pour coucher sur papier le message qu’il veut faire passer. «Cela me canalise», sourit-il. Dans ses cartons, il a déjà trois idées de livre en cours qui se concrétiseront à l’avenir, il l’espère.

Si les années qui passent lui ont infligé des inflammations liées à l’arthrose, il ne s’est pas laissé abattre et a cherché des solutions pour pouvoir continuer à pratiquer ses sports favoris: le ski, accompagné par ses enfants, et le tennis. En tant qu’ancien champion neuchâtelois, il arpente d’ailleurs encore régulièrement les courts.

Constamment chercher à sortir des sentiers battus

Les pratiques de Daniel Held sont profondément marquées par la volonté de proposer une démarche hors du système traditionnel. Ainsi, il a cherché des outils qui aillent plus loin que de simplement mettre des individus dans des cases. Il commente: «Jusqu’ici, les outils RH décrivent nos profils mais ne nous disent pas où sont nos talents et nos freins. Ils restent dans le conformisme, sans aucune remise en question, et de façon peu adaptée aux exigences du monde moderne.» Face à ce constat, Piman est le partenaire privilégié de Saville Assessment pour le territoire helvétique depuis 2010. Le cabinet déploie par exemple son outil d’évaluation psychométrique, nommé Wave. «En 40 minutes, le système nous permet de cerner 108 facettes du caractère d’une personne. Depuis bientôt dix ans que je l’utilise, je n’ai pas encore vu ses limites. De plus, il est adapté aux préoccupations du XXIe siècle.»

Peu satisfait des méthodes de coaching traditionnelles, il a aussi découvert l’équicoaching dans les années 2000, grâce à Laurent Schutz qui est maintenant un collègue. Le spécialiste compare les systèmes de management habituels avec des relations entre carnivores. «Une fois qu’une troupe de lions a tué une gazelle, c’est le plus fort qui se nourrit le premier. Ensuite, des jeux politiques entre ceux qui courtisent le dominant désignent qui mangera après. Cela reflète ce qui se déroule dans certains sièges de compagnies. A contrario, le cheval dominant ne peut pas manger toute l’herbe de la prairie. Il est en charge de la sécurité du troupeau et, en conséquence, il dort moins et mange moins. On retrouve là l’essence d’un vrai leadership», décrit-il. L’équicoaching est basé sur l’intelligence émotionnelle, la mise en puissance des collaborateurs et la valorisation de leur potentiel, sans jeu de domination. «Cette méthode permet de faire comprendre au cadre que s’il veut que l’autre s’engage davantage, la seule personne sur laquelle il peut agir, c’est lui-même.»

Celui qui se nomme parfois le thérapeute chinois d’entreprise cherche à aider les cadres dans des visions extrêmement ambitieuses Cette philosophie se reflète dans la signature de l’entreprise: «Empowering for change», soit la volonté que les clients soient eux-mêmes acteurs de la réussite de la démarche, en liant performance et implication.

Les modèles qui composent sa Trinité sont Jésus, Nelson Mandela et Roger Federer. «Le premier pour le moteur de l’amour du prochain et l’encouragement à utiliser ses talents. Le deuxième pour son impressionnante résistance et sa force de toujours trouver l’humanité en l’autre. Le dernier pour le bonheur qu’il a à faire quelque chose de son immense talent et à ainsi donner du plaisir aux autres.»